Démocratie alimentaire du Tournugeois

Transformer son territoire avec ses acteurs pour alimenter sainement ses habitants, sur un modèle démocratique, début d’un projet qui promet!

Alors accueillis par Christophe dans sa ferme à côté de Tournus, nous sommes invités à participer à la première réunion publique portant sur la démocratie alimentaire du Tournugeois. Cette réunion accueille des associations, des élus, des producteurs maraîchers, des citoyens, et est animée par une équipe de chercheurs de la Maison des Sciences de l’Homme et de l’association Tournugeois vivant. Je compte 12 femmes pour 22 personnes présentes.

Un modèle de démocratie alimentaire face à celui de la grande distribution ?

Le constat est fait que le modèle dominant pour l’alimentation est basé sur une agriculture intensive, industrielle et dont la grande distribution joue un rôle prépondérant. Ne répondant pas aux critères de justice sociale, d’écologie, et de pouvoir démocratique que souhaitent ces habitants sur leur territoire, la réunion a pour objectif de démarrer une réflexion sur la construction collective d’un système d’alimentation territorial. Celui-ci, résumé dans le concept de démocratie alimentaire, aurait pour vocation d’assumer sa fonction nourricière face à la logique marchande, de répondre à un désir d’autonomie alimentaire, tout en assurant une justice sociale du système, de s’inquiéter de la santé publique à travers l’alimentation et des principes de production à faible impact écologique.

Encadré dans un programme recherche-action via un appel à projet de recherche participative du ministère de la transition écologique et solidaire, la Plateforme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines (POPSU) encadre un quadriptyque Ville de Tournus / Assoc. Tournugeois Vivant / Maison des Sciences de l’Homme de Dijon / Économie Solidarité Partage

Le tour de table présente une vraie diversité d’acteur du territoire Tournujeois. Je souligne l’association Economie Solidarité Partage, qui propose déjà une épicerie solidaire sur critères sociaux, en utilisant entre autres les produits frais invendus des supermarchés. (Je vous conseille un petit détour sur leur site). Sont présents des représentants d’une AMAP, de la Cagnotte Solidaire, de Terres de Liens, d’un café associatif… Bref, une riche panoplie d’acteurs et d’actrices qui a pressenti ce territoire à en faire un lieu d’expérimentation de l’appel à projet, et qui me donne une sensation que la connexion de toutes ces initiatives peut donner quelque chose de grand.

Sont ensuite posées deux questions pour initier l’échange et commencer à mettre le groupe en discussion :

Comment permettre l’accès de tous à une alimentation saine?

Comment développer une production locale qui favorise l’autonomie alimentaire du territoire?

Une forme de cadre est avancée par Dany Lapostolle, chercheur de la MSH, qui précise le besoin non pas de construire un projet « de l’extérieur », mais bien d’essayer de co-construire un outil adapté aux enjeux de chacun des acteurs. Il propose une approche collective que je retiendrais face à un problème complexe : Décrire – Problématiser – Questionner – Répondre

L’accès pour tous

Les échanges définissent donc d’abord les mots et leur sens. Que met-on, ensemble, derrière le mot pour tous ? De quels tous s’agit-il ? Parlons-nous de ce qui nous semble possible ou d’une vision idéale ? Y a-t-il des personnes parmi le tous qui semblent plus en difficulté pour accéder à une nourriture saine ?

On acquiesce que pour commencer, une des meilleures prises pour rendre accessible une nourriture saine passe par les cantines du service public : Il y a un EHPAD, un service de repas à domicile, un hôpital, un foyer de résidence, un école maternelle et primaire, deux lycées et un collège rien qu’à Tournus ! Le bassin de vie alentour ajoute encore 3 collèges, une maison de retraite, des écoles… Fournir une nourriture saine à ses bénéficiaires semble un des moyens les plus simples pour garantir le « pour tous », et commencer à organiser un volume de production conséquent. Les effets de levier sur d’autres problématiques, telles que la santé publique, l’éducation par les fermes, l’isolement des personnes âgées, la réinsertion sociale, etc… sont autant de raison que de faire naître ce projet.

Chaque personne, en représentant sa fonction, parle ensuite des freins qu’il perçoit à priori, des apports qu’il peut faire dans la problématisation, et qu’il serait nécessaire de lever pour mener à bien un projet d’autonomisation.

L’autonomie sur le territoire

Les producteurs évoquent leurs difficultés actuelles à travailler avec le secteur public : Fournir de petits volumes très fréquemment implique une organisation spéciale des plantations de légumes par exemple; la problématique de logistique de livraison et de transformation, qui dans un système pensé à plusieurs pourrait s’arranger dans une solution commune. L’usage et l’accès à la terre sont soulevés comme problèmes potentiels, du fait de sa disponibilité notamment, et les outils de Terre de Liens sont proposés pour évaluer une surface nécessaire en fonction du projet mené.

Une alimentation saine, quel « bio » voulons nous ?

Quitte à faire du bio, ici, on le voudrait local, et pas forcément industriel. On rappelle qu’une culture paysanne serait certainement plus enviable, autant en termes de qualité de produit qu’en création d’emplois de qualité. On entend qu’il serait plutôt souhaitable de voir naître « 3 fermes viables et vivables » qu’une grosse ferme en circuit long. Pour respecter un cadre connu, Cécile Dubart, paysanne boulangère, propose la chartre de l’Agriculture Paysanne du réseau FADEAR.

Construire sa résilience collectivement

Le sentiment que j’ai en partant est porteur d’espoir.

Quand on prends ou reprends conscience des « effondrements » futurs, de biodiversité, de la dépendance du système agricole actuelle aux énergies fossiles, des transformations sociétales larges, parfois une panique soudaine de vulnérabilité nous assaille, et nos actions individuelles semblent souvent vaines, et la quête de résilience, si elle est personnelle, me paraît souvent voué à l’échec.

Lorsque j’ai participé à cette réunion où une telle richesse de personnes, d’initiatives déjà présentes, se questionnent ensemble sur une manière de transformer, d’adapter, de construire leur territoire, ou « faire territoire » avec la vision qu’ils souhaitent du futur, tout en se relevant les manches pour entrer concrètement dans le vif du sujet, ça m’a donné espoir. Espoir parce que déjà, c’est bien plus sympa de se préoccuper de tout ça ensemble. Ensuite parce qu’on sent cet état d’esprit où personne ne sait si ça va marcher, mais que ça vaut le coup d’essayer. Et je vous jure, se poser à plusieurs pour dire « Qu’est-ce qu’on fait ensemble, maintenant ? », ça repousse les peurs et ça nous fait sentir puissants, vivants, et ça explose la vision des possibles. Et pour moi, ce monde là, ça vaut le coup d’aller le chercher !

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