C’est avec le porte bagage chargé de denrées alimentaires récupérées à la biocoop de Savenay que nous débarquons à la zad de Notre-Dame-Des-Landes en début d’après-midi.

Nos imaginaires concernant ce lieu sont différents et une certaine excitation voire même appréhension se dégage. En effet, le portrait du « zadiste » et de la zad a été brossé de multiple fois dans les journaux et chaque français pourrait donner son avis sur le sujet. Pour ma part, j’imagine un lieu où on expérimente le futur, un lieu de lutte contre le système et qui tente d’en inventer un nouveau. Concernant le « zadiste » (l’habitant du lieu donc!), je crois que j’imagine tout à la fois, en partant du punk à chien, en passant par le babos pour finir par le bon citoyen.
La vie quotidienne sur la Zad
Nous avons traversé 3 lieux emblématiques sur la zad, qui nous ont permis de rencontrer un bon nombre de personnes différentes et de se poser tout un tas de questions que j’essaye de vous partager ensuite.
La Wardine
En passant devant la Rolandière et son emblématique phare que nous avions tous déjà vu en photo (ça y est, on y est!), nous arrivons à la Wardine. C’est un des lieux d’accueil de la zad. Nous sommes rapidement accueillis par Marraine, qui nous fait visiter tandis que Bonhomme nous parle un peu de l’histoire du lieu. Le hasard fait qu’un atelier vélo se déroule cet après-midi dont prennent part de nombreux exilés. En effet, la zad en générale abrite de nombreuses personnes immigrées qui sont accueillies notamment durant les temps d’attentes entre différentes démarches administratives visant à régulariser leur situation. Le dortoir de ce lieu étant plein, nous sommes redirigés vers les Fosses Noires.
Les Fosses Noires
Nous avons été accueillis dans le dortoir des Fosses Noires. Sachant que nous restions au moins 2 semaines sur la zad, nous avons pu prendre le temps de se poser pour écrire (et faire quelques parties de Catane!). Nous avons aider Lucas à construire sa brasserie (isolation de la partie habitable) et déguster quelques bonnes bières artisanales.
L’auberge des « Q de plomb »
Chaque vendredi midi sur la Zad, l’auberge des « Q de plomb » est ouverte. Tous ceux qui le souhaitent peuvent aller manger copieusement pour au minimum 7€ + prix libre. C’est un moment convivial où chacun mange côte à côte en mode cantine. Il ne vaut mieux pas être végétarien car la viande coule à flot, c’est de la bouffe de ferme quoi!
Pendant ces quelques 15 jours passés par la Zad, nous avons filer pas mal de coup de main, construction de la brasserie aux Fosses Noires, déplacer les parcs à mouton aux 100 Noms, le bardage du toit au Q de Plomb, du maraîchage au Rouge & Noir, construction de la structure d’une porte de grange, pas mal de grosses bouffes, une baignade en bord de mer à St Nazaire, des belles soirées et des rencontres passionnantes, notamment avec un beau sanglier en rentrant à « fond de balle » avec nos bolides à travers bois en fin de journée. On a pu aussi pas mal se poser et prendre du temps pour écrire et expérimenter des techniques de Catane de plus en plus développées!

Ce séjour sur la Zad a fait naître en nous de nombreuses questions que nous aimerions vous partager et tenter d’y apporter des éléments de réponse.
Vivre en collectif
L’habitat partagé est composé d’espaces privés et d’espaces communs. Il prône l’épanouissement de la vie sociale sans affecter l’intimité de chaque individu. Il permet aussi de lutter contre la spéculation foncière. Plus qu’à se lancer donc! Sauf qu’en réalité, c’est plus dur que prévu. C’est pour toutes ces raisons que nous avons voulu parler du modèle de la zad.
Presque chaque collectif actuel de la zad est composée de la façon suivante : un bâtiment « historique » (qui a toujours été là) en dur qui contient les espaces communs pour les différents habitants (une dizaine d’habitants suivant les lieux) comprenant cuisine, salon, salle à manger, salle de bain et dortoir pour accueillir les gens de passage. Et chaque habitant dispose de son espace personnel pour dormir (caravane, yourte, cabane, petite maison, etc.). Cette façon d’organiser le « vivre » en collectif nous a paru plutôt saine. En effet, il est nécessaire que chaque famille / habitant ait son espace d’intimité.
L’habitat est aujourd’hui un enjeu de taille pour lutter contre le changement climatique. En France, le bâtiment absorbe environ 40% d’énergie du pays, devant le transport (30%) et l’industrie (25%). Il est responsable de 21% des émissions de gaz à effet de serre en 2011. Il est donc nécessaire de réduire la surface habitable par habitant. De plus, l’habitat d’aujourd’hui est ultra individuel. Nous l’avons remarqué en vélo, c’est possible d’arriver dans un village pour dormir chez l’habitant, ce n’est pas possible en ville. Il ne permet pas non plus de mixité sociale. Toutes les habitations sont construites de la même façon de Marseille à Dunkerque (spoiler –> BÉTON) sans valoriser les matériaux locaux tels que le bois, la paille, la terre ou la pierre. L’habitat a besoin d’une révolution et peut être que vivre en collectif pourrait faire parti de la solution.
Quelques pistes pour monter un habitat groupé –> https://www.colibris-lemouvement.org/passer-a-laction/creer-son-projet/monter-un-habitat-groupe
RSA à la zad
Contrairement à l’Espagne, la France permet à ces citoyens de toucher le RSA (Revenu de Solidarité Active). Sur la Zad, de nombreuses personnes en bénéficient. Cela leur permet notamment de les aider lors du lancement de leur activité (par exemple la brasserie aux Fosses Noires ou l’élevage aux 100 Noms).
Nous nous sommes poser ce genre de question avant de partir à vélo avec le chômage. Nous avons préféré « botter en touche » et ne pas le toucher afin de discuter plus rapidement du fond que de la forme mais la question est toujours présente. Plusieurs personnes que nous avons rencontrés ne comprennent pas pourquoi nous ne touchons pas notre chômage. Est ce que par l’intermédiaire de notre projet, nous servons, d’une manière ou d’une autre la société ? Je pense que oui : en inspirant les gens qui nous suivent qu’un futur viable et enviable est possible, en montrant les initiatives qui existent et les gens qui se bougent ou en réalisant des Fresque du Climat. Cela n’empêche que je serais pour le moment mal à l’aise si je touchais le chômage.
Nous avons rencontré des Zadistes actifs dans une cantine pour exilés sur Nantes (Jo est entrain d’écrire un article là-dessus). Cette association réalise entre 200 et 300 repas par jour pour des migrants rassemblés dans un gymnase ou parfois même dans les rues à partir d’invendus récupérés dans les grandes surfaces nantaises. Ils ont même cette année cultivé des légumes dans leur potager. Ces mêmes exilés sont parfois hébergés sur la Zad. De nombreuses associations existent en France pour aider voire même prendre la place de l’Etat lorsque celui-ci est en difficulté pour traiter un problème. Je vous conseille d’ailleurs de voir le film « Hors Normes » avec Vincent Cassel qui parle d’une de ces associations. Mêmes si ces bénévoles ne répondent pas à la définition du travail donnée par le système, ils permettent à des associations vitales pour la société de vivre et cela en touchant le RSA.
Droit d’usage vs propriété individuelle
Nous avons aussi sur la Zad beaucoup parler de squat. En effet, les zadistes vivent sur des terres et dans des maisons qui ne leur appartiennent pas.
Bien qu’une forêt ou un bout de terre puisse appartenir à une personne, il n’empêche que ce sont des biens communs qui servent l’intérêt collectif. Il est donc nécessaire de les préserver, même si les préserver signifie occuper une propriété privée.

Utiliser les maisons inhabitées comme à Grenoble, cultiver le moindre petit espace vert afin de relocaliser l’alimentation ou s’installer dans une forêt afin d’éviter sa destruction sont d’autant de droits d’usages qui « gagnent » face à la propriété privée.
Légitimité de la violence
En passant un peu de temps sur la Zad, nous avons pu aborder avec plusieurs personnes l’histoire du lieu et les nombreuses confrontations avec les forces de l’ordre depuis 2008. Nous avons aussi participé à une manifestation Gilets Jaunes sur Nantes le samedi 16 Novembre. C’est donc ce soir là que la question de la légitimité de la violence nous est venue ou en tout cas, c’était pour nous le moment d’en parler.
Je ne crois pas qu’il soit possible d’apporter une réponse à la légitimité de la violence, elle dépendra de la sensibilité de chacun et des événements qu’il / elle a vécu. Par exemple sur la Zad, lors des expulsions d’Avril 2018, ce ne sont pas moins de 2500 gendarmes mobiles mobilisés, appuyés par des véhicules blindés et des hélicoptères de patrouille face à 250 zadistes qui font face aux évacuations avec « résistance physique et déterminée ». Dans ce cas précis, nous pouvons nous poser par exemple la question de la légitimité des coktails molotov face à cette « armée ». C’est finalement toujours une escalade de la violence entre police et manifestants. Plus la police se servira de LBD, de gaz lacrymogènes, plus la répression sera grande et plus la réponse sera violente. Le constat est le même dans l’autre sens.
On pourrait alors se poser une autre question, qu’est ce qui a fait que ce combat est devenu violent ? Comment en sommes nous arriver à qualifier une chemise arrachée d’acte de « violence incroyable » et cautionner l’utilisation de plus en plus récurrentes des LBD (Lanceurs de Balles de Défense) par les forces de l’ordre dans les manifestations ?
On peut se poser la question de savoir quels sont les leviers d’une désescalade et de qui dépend leur actionnement ?