Parfois je me demande ce qu’il se cache, si il se cache quelque chose, dans une volonté de voyage à long court.
Surtout lorsque je vois mes amis, mes proches, dans la même réflexion engagée du déreglement climatique et des conséquences incroyablement gigantesques sur la transformation de nos sociétés, probablement jusqu’à leurs diverse effondrements. Face à l’inaction générale, et la conscience de l’impact existant mais complètement démesuré face à l’ampleur de ce qu’il faudrait faire, la douleur est parfois grande, le manque d’espoir s’installe, « et on y croit plus« .
Alors que nous reste-t-il? Que faire, dans quoi agir?
Et lorsque face à ces questions, les réponses semblent dérisoires, et lorsque même les plus radicales (oui oui, vraiment radicale) qui nous viennent en tête ne nous mettent pas le doute nécessaire à penser que ça pourrait marcher, que reste-t-il?
Voyager pour se sentir vivre
Je crois qu’il reste dans le voyage, en tentant de le mettre le plus en cohérence avec le respect de la Nature et de l’Autre, une forme de cri d’espoir, une tentative pour jouir de nouveau, jouir d’une liberté, jouir de son corps et de ses rencontres. Mais comment ne pas croire, qu’une partie de cette recherche dans le grand Ailleurs, pourtant tous convaincus que la réponse, si elle existe sera en nous, comment ne pas croire qu’une partie de cette recherche se situe dans une forme de fuite? De fuite aux prédictions, qui se révèle des futurs et bientôt des présents, qui nous empêchent d’imaginer un monde heureux, ne serait-ce qu’une vie calme, confortable.
Alors on se voit user de nos privilèges, parfois dans un voyage finalement sans véritable but si ce n’est de voyager, un voyage sans risques où le retour dans notre pays natal sera probablement difficile après des semaines, des mois, des années sur les routes, sentiers, sommets, mer et océans du monde, mais sans risques. Sans risques, parceque si nous avons le luxe de se poser ces questions, sans préoccupations pour notre survie, c’est qu’on est probablement blancs, bien diplômés, avec un peu de sous, qui nous parraissent si peu mais nous projette pourtant déjà dans le « top 5% » mondial.
Bref, rien à voir avec les voyages de survie de ces millions de personnes, qui fuient eux sans se le cacher, des bombes, et à fortiori de nos bombes, des premiers grands signes du déréglement climatique, des sécheresses, de la pénurie d’eau, de la famine ou de la guerre.
Et une fois cette question de la fuite posée, il nous reste du voyage nos rêves, les montagnes, ces gens qui la-bas connectent encore à leur forêt, eux qui ici, vivent, décident et mangent ensemble, il nous reste ces mers bleues, ces murs de roches qu’on peut grimper, ces trouvailles et la Nature, et bien sûr, l’Amour et les Autres. Et peut être de quoi retrouver une espérance.
Le deuil du Progrès et de la stabilité
Il nous reste ça, pour essuyer un deuil, qui prends parfois du temps. Celui où on enterre une vie sans chamboulements, sans tempête. C’est désormais certain, nous ne pouvons plus fuir la tempête. Il faudra faire face. La vie stable, continue, d’un seul trait et sereine qu’on nous avais vendue est maintenant mensonge, la tempête arrive, elle est là. Et elle nous promet sûrement plus une vie mouvementée, en marginalité de ceux qui détruisent le monde, en tentant de ne pas faire de même.
Et puis finalement, les marginaux, au regard du monde, est ce que c’est pas eux, est-ce que c’est pas notre mode de vie ?
De ce deuil, il en ressors souvent une envie, comme une pulsion de vie, il nous reste un essai, celui de tenter une sortie, un pas de côté de cette société à laquelle on participe en restant là. C’est un peu ça le voyage. Aller voir le Grand Ailleurs pour rencontrer les Autres.
Quelle vie faudrait-il avoir en restant ici pour retrouver ces formes en suspente de cohérence ? Celle qui nous fait vibrer à imaginer un monde différent ? C’est souvent ça qu’on cherche, et qu’on trouve, dans nos voyage. Une autre vision de la vie. Un monde qui nous va mieux.
Est-ce suffisant, pour l’idée qu’on se fait de ce Monde, que de contribuer avec nos moyens que l’on trouvera toujours maigres ? Maigres pour faire face à ceux qui extraient le pétrole, ceux qui « se donnent les moyens » presque sans s’apercevoir que ce qu’ils se donnent, c’est ce qu’ils volent.
Le monde est-il devenu si difficile à voir qu’il faut s’en trouver d’autre dans lesquels se réfugier? Et lorsque chaque portes se seront fermés, faudra t’il attendre qu’on nous vende un nouveau refuge, où ne serait il pas possible de s’en construire un nous même ?
Le voyage en soi comme finalité ?
D’autres encore, ou parfois les mêmes, cherchent le Grand Voyage en eux ou en elle-même. S’extraire du monde, d’une autre manière. Est-ce la même sorte de fuite ? Il me semble parfois dangereux dans certaines pratiques, de penser trouver la paix en s’extrayant du monde, seul.e.s, souvent dans des solutions individualisantes. Même si une partie de la réponse sera forcément spirituelle, la Vie ne doit pas selon moi s’en contenter en soi, mais devenir un moyen d’agir en cohérence. Et chacun de ses voyages se répondent non, celui physique accompagnant souvent le spirituel ?
Et parfois en voyageant, je reprends comme un grand Rêve, sûrement que d’autres le font. Et si tous ceux qui s’échappent, qui abandonnent ou se résignent, glissent de cette faille dont nous sommes tous si proche de glisser, et si ON se rencontrait ? Et si ON rêvait ensemble de ce qu’on peut ENGAGER, FAIRE dans ce monde là, celui où on cohabite tous ?
N’est ce pas plus dangereux de se tuer à l’intérieur par peur que de se risquer à mourir trop vite en tentant quelque chose ?
Si on choisissait de reconnaître le lien qui nous fait être humain ici, au même moment, quelle singularité ! Si on choississait ensemble de vivre de moins, pour laisser vivre les autres? Peut-être pouvons nous vivre de plus?
Nous avons tous vécu ce moment où un rien de matières avait créé un moment entre quelqu’un.e.s de nos voisin.e.s terrien.e.s. Créer du plus. Où plutôt du mieux. Quitte à mourir, je souhaiterai vivre ce rêve, au moins le tenter, croire en chaque femmes et chaque hommes, habiter le monde pour ne plus le fuir. Peut-être aurais-je envie de voyager. Mais je veux le faire pour habiter cette planète du temps que j’ai.
Bonsoir les mignons,
Quel bel article que voici, merci pour ce fragment de pensée.
En te lisant j’ai l’impression de contempler l’océan, un océan houleux, sans repos, mais d’un marron profond et riche de vie (pile à la sortie d’un estuaire amazonien, pas de chance pour la couleur).
Je trouve ça cocasse que ça soit toi – et vous j’imagine – qui te pose cette question, au cœur d’un voyage qui se veut créateur de liens humains et idéologiques. Drôle parce que j’imagine que le monde se porterait mieux si cette réflexion venait germer dans l’esprit de ceux qui, trop nombreux, subissent l’héliotropisme où tu brûles toi d’humanotropisme. Fuient-ils, ceux là aussi ? Probablement, et peut-être dans le fond du même monstre caché sous un autre visage.
Enchanté de retrouver ce petit « pas de côté » qui t’es si cher ! Soyez fier de le faire ce pas de côté parce qu’il est aussi beau que lucide. En vous suivant de loin et en voyant vos sourires et ceux des gens qui ont la chance de vous croiser (ou le malheur, ça dépend du taux d’alcoolémie j’imagine) je me réjouis à chaque photo, deux fois ! (ça fait beaucoup de réjouissance pour une seule Huguette). D’ailleurs, je trouve que c’est dommage de parler de fuite, même si je m’accorde sur le fond de ton propos, parce que ce terme est connoté négativement. Aller vers l’inconnu ça a toujours fait flipper tout le monde, de Christophe Colomb à moi quand on me tend le micro au karaoké. Vous vous osez, quitte à vous planter dans un virage, quitte à être déçu. Pour moi, vous ne fuyez pas, vous explorez et c’est beau parce qu’on ne crée rien en restant dans le moule, dans la torpeur d’une société aliénée. Votre pas de côté, votre extraction, c’est un magnifique pied de nez à la vie et à vos privilèges de blancs plutôt gâté par la nature (même si Victor.. bref,bref.) parce vous ne le faites que pour lutter contre l’enlisement et pour vous réinsérer au mieux! (n’en déplaise à vos détracteurs dans le fond de la salle qu’ont pas compris que quand tu choisis de te faire enliser dans le sable par tes « potes », tu finis inexorablement surmonté d’une bite géante, cheh).
Je voulais aussi vous souhaiter un bon enterrement les copains, pissez sur le cercueil de cette vie sans houle qui nous tourne le dos, sans regrets, sans rancune non plus ! Se battre c’est vivre, faire bloc pour un imaginaire plus enviable et goûter la plénitude d’une cohésion optimiste, ou au moins déterminée, c’est probablement une des expériences de vie la plus luxueuse qui soit. Enfin j’imagine, vous êtes plus avancé que moi là dessus, corrigez si je me trompe. 😉
Je termine avec une petite citation de Brel, parce qu’il était vachement beau et qu’il a dit des trucs pas mal non plus.
« Quand quelqu’un bouge, les immobiles disent qu’il fuit. »
Alors bonne exploration et MERCI, bon sang de bois.
En souvenir de cette nuit pleine de puces de plage, Gueguette!
Bonjour de bonsoir chère Huguette,
Qu’il est de bon temps que celui à vous lire ma mie (merde, j’ai mis des miettes partout).
Merci de ce beau retour, ça donne cette petite saveur d’aventure et de grandiose que le quotidien éloigne parfois !
J’ai bien hâte de bientôt joindre nos jets de deuil sur le sapin des forêts de néants anéantis, et s’ouvrir les vallées comme une bouteille de bière fraîche.
En souvenir de ces moments qui nous ont forgés sur l’enclume des rêves avec nos sourires comme marteau, bon sang de dieu, vive la Vie, et vive le pinard par vent de dos !
À bientôt Gueguette !
nous suivons votre expérience , un peu compliquée pour nous et surpris par votre mode de vie , surtout faites bien attention à vous.
nous vous embrassons tous les trois